Il m’arrive de ressentir comme un soulagement… voire une gratitude envers ses jeunes créateurs qui perpétuent les savoir-faire de notre héritage breton. Avec leur regard nouveau, tout en respectant les traditions, ils apportent un souffle léger et moderne à notre patrimoine. J’ai souhaité rencontrer Mathias Ouvrard, jeune brodeur quimpérois pris de passion pour la broderie qui en a fait son métier.
Mathias, à 25 ans, penses-tu faire partie d’une nouvelle vague dans le milieu de la broderie ?
Je propose quelque chose de contemporain mais finalement toujours accroché aux traditions. Ce que je fais n’est pas nouveau, je suis un brodeur qui aime proposer des choses contemporaines en s’inspirant des vêtements traditionnels. On verra où ça me mène.
Comment es-tu devenu brodeur ? Existe-t-il une formation ?
En fait, je n’étais pas prédestiné à ce métier. Depuis tout petit, je danse dans les cercles celtiques et aujourd’hui dans le fameux cercle des Eostiged Ar Stangala de Kerfeunteun à Quimper. Un jour, il a manqué une pièce de costume brodée ; il fallait quelqu’un pour le faire… et je me suis dit que j’allais la faire moi-même ! J’ai toujours été manuel. Ma formation Arts Appliqués au Paraclet a posé les bases de la recherche en design. A cette époque, je passais plus de temps à broder qu’à bosser sur mes dossiers ! Les professeurs s’en sont vite rendus compte. Ce sont eux qui m’ont encouragé à suivre cette voie.
Il existe des codes en broderie ?
Il y a des techniques mais dans la broderie il n’y a pas vraiment de règle (à part pour quelques unes). En général, il s’agit surtout de trouver sa manière de faire. Dans les motifs traditionnels, dès qu’il y a de la broderie au fil, il y a des motifs récurrents à qui l’on prête des significations, mais je n’y crois pas trop.
Je trouve courageux à 20 ans de t’être frotté à cette tradition avec toutes ces significations…
C’est assez difficile quand on est jeune. On se heurte parfois à la connaissance des anciens, qui n’est pas toujours juste. Certains sont persuadés de tout connaître, avec pour attestation qu’ils ont connu les derniers instants des costumes bretons (heureusement d’autres nous renseignent sur ce qu’ils savent mais sont tout de même ouvert au débat). La force qu’ont les jeunes c’est qu’ils n’ont pas vécu ce temps là, alors ils font des recherches. J’ai commencé vers quatorze ans, depuis j’en découvre tous les jours. Plus j’en apprends, moins j’en sais. Ce qui est important ce n’est pas de savoir, mais de chercher.
Tu as étudié à Paris ?
Oui, pour mon Diplôme des métiers d’art textile option broderie à l’école Duperré. Puis, j’ai eu l’opportunité de travailler sur la collection automne-hiver 2012 de Alexander McQueen. C’était une formidable expérience… J’ai pu travailler sur plusieurs tenues.
Ca fait rêver… Tu as travaillé sur des pièces entières ?
Il y avait environ 30 looks et tout est fait en quatre jours. Nous n’avons pas le temps de travailler sur une tenue complète. Nous étions environ une dizaine de brodeurs… ça va très vite ! Par exemple, j’ai commencé sur une énorme robe qui était recouverte d’organza plissé, tous les plis coupés à la main pour des effets de plume. On a passé deux jours et deux nuits à tailler toutes ces bandes d’organza. D’autres looks étaient recouverts de petites fleurs en métal et en organza de soie. Là, on fixait les fleurs en symétrie sur les tenues. De moments épuisants mais tellement excitants ! On fait des choses magnifiques, les matières sont somptueuses.
Tu as créé ta marque Mathias Ouvrard avec cette collection de nœuds papillon. A qui s’adresse ces pièces ?
Pour les hommes et les femmes. Certains nœuds sont un accessoire féminin comme un bijou. Ce sont des pièces uniques. Pour quelques modèles, il y a plus de 20 heures de travail. J’aime partir du style breton et en faire quelque chose de contemporain. Ils sont vendus aux Antilles.
Aux Antilles ? Ah oui, c’est étonnant !
J’ai de la famille à Saint-Barth (large sourire). J’ai passé une partie de mon enfance là bas. J’ai toujours un pied d’un coté et de l’autre de l’Atlantique….
Le breton est voyageur… lorsque tu es à Quimper tu penses à Saint-Barth, lorsque tu es aux Antilles tu penses à la Bretagne ?
Exactement ! Mais c’est quand même la Bretagne qui me passionne. A un Noël, ma grande tante m’a offert les costumes traditionnels de Quimper, de mon arrière grand-père. C’est fou d’avoir ces pièces. Depuis, j’ai acquis le haut de costume de mon arrière grand-mère, le costume de petite fille de ma grand-mère, une coiffe et un bonnet de baptême. Cette passion est ancrée finalement… Quand on sait que ses aïeux ont porté ces vêtements, c’est d’autant plus fort.
Ces jolis petits nœuds tu projettes de les vendre à Quimper ? En Cornouaille ?
Non, pas pour le moment… mais effectivement ce serait bien d’avoir une vitrine dans la région.
Tu as d’autres projets ?
Oui, je serai présent avec Thomas Jan, couturier à Mûr-de-Bretagne, au Salon Fils Croisés à Quimper. Je vais broder une pièce pendant cet événement. Les tenues de mariés contemporains seront aussi exposées. Ces costumes étaient présentés à l’occasion du concours « Des modes et nous » dans le cadre du Festival de la Saint-Loup à Guingamp.
Une belle occasion pour le public de te rencontrer !
Je travaille en ce moment sur une collection de vêtements qui s’inspire du travail de ces deux tenues de mariage, avec Thomas. Il avait monté la chemise et le pantalon de Jérémy, le marié… Cette première collection sera présentée au Festival de Cornouaille ! Et une des pièces sera brodée à l’occasion du Salon Fils Croisés. Les modèles seront à vendre… un beau projet qui a commencé à germer l’été dernier.
Merci Mathias pour ce moment passé en ta compagnie et ta disponibilité. A bientôt, en juillet !!