De père en fils

Avec ce nouvel article, nous inaugurons une autre façon de faire connaître la Cornouaille, au travers de gens qui y vivent, qui y travaillent… Ces gens de mer et ces gens de terre vous invitent à découvrir ce qui fait leur quotidien et ce qui leur fait aimer la Cornouaille. Nous vous proposons aujourd’hui les échanges entre un père et son fils, Camille et Olivier, sur le métier de marin, aux conditions de travail rudes mais aussi synonyme de liberté.

A dix ans, il a commencé avec moi, prêt à venir en mer. La première fois, une promenade dans une fin de journée. Il était tout petit, à peine s’il marchait, il voulait venir au bateau.

J’avais aimé ça. J’étais malade à en crever et je le suis toujours. Le mal de mer, ça passe au bout d’une journée. On a dormi, la première nuit ça passe. Celui qui aime son métier ira en mer.

Il était attiré par le métier. Tout jeune, il n’aimait pas lire mais il aimait toutes les histoires qui se passaient en eau profonde. Maintenant, quand tu rentres de mer tu racontes ta quinzaine avec passion. Tu la racontes bien, ça sort naturellement et ta mère t’écoute comme elle m’écoutait avant. La suite ce fut le lycée maritime pour lui et pour moi. A la retraite, je ne connaissais pas trop ce milieu, je pourrais dire pas du tout. Le directeur qui m’appelle, il manquait un gars pour faire aux jeunes l’apprentissage. Maintenant ça fait quatorze ans que je suis au lycée maritime comme formateur. Au départ je voulais abandonner face à des jeunes qui voulaient s’affirmer, des jeunes de quinze seize ans, pas des plus faciles pas des plus dociles. Pourtant je me suis accroché et ça a fonctionné.

Je suis fier et heureux de voir tous ces jeunes qui sortent avec des bagages. Ils peuvent se débrouiller sur d’autres océans mais très peu restent.

Dix-huit ans que je suis en mer, il partait je commençais. Une relève pressentie, je ne l’ai pas ressentie. Ceux qui partent et ceux qui viennent, une suite logique.

Au départ, pendant quelques années, les garçons de familles de marins prenaient la mer mais trop de difficultés, la dureté d’un métier qui ne gagnait plus assez. Notre fils nous a dit je vais au lycée maritime. Nous lui avons spontanément répondu tu ne vas pas faire ce métier de fou. Et nous nous disions qu’il changerait quand ça ne lui conviendrait plus. Ils étaient peu nombreux à épouser le métier. Les années quatre-vingt douze quatre-vingt treize quatre-vingt quatorze ont fait mal pour les jeunes. Le prix du poisson était tombé, la politique européenne arrivait, quarante élèves pendant deux ans dans les lycées. Les bateaux qui n’allaient pas, le poisson qui s’épuisait de surpêches insensées. Des années où les jeunes auraient aimé s’engager mais qui entraient droit dans le mur. Avec des parents qui ne voulaient pas envoyer leurs enfants prendre la mer, avec des grèves qui survenaient dans les chantiers et les ports n’aidant pas à prendre des décisions dans ce sens.

J’étais jeune, je ne sais pas trop, je ne m’apercevais pas. Ce que je sais c’est qu’aujourd’hui nous n’avons plus de vie. La pression est là, nous ne pouvons manquer les marées. Et le fait que je sois mécano m’apporte plus de sérénité. Et m’offre une plus grande liberté dans mon travail.

La liberté

Nous en avons parlé assez souvent, nous en avons parlé tout le temps. Nous ne pourrions pas travailler dans un atelier, dans des bureaux. Nous ne pourrions pas travailler sans aller sur un bateau. Tenus à des horaires fixes sans aller sur les flots. Tenus par une pointeuse à ne pas te rendre heureux. Nous avons d’autres contraintes mais nous sommes plus libres. Nous sommes libres dès que nous franchissions la bouée. Libres d’être dans notre bulle loin du vacarme proche de l’océan. Libres de choisir notre horizon dans ce moment que nul ne peut nous prendre.

Extrait du livre « Portraits/Authentiques/Gens de mer, gens de terre/Pays Bigouden », Éditions Vivre tout simplement

Crédit photo : « Sur le rebord du monde », Hervé Drézen

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